QUI EN PARLE ?
Il est passionnant de regarder comment les médias hiérarchisent l'information. La semaine dernière, par exemple, le plus important, c'était la mort de Ben Laden, le mariage à Londres du prince William, la béatification à Rome de Jean Paul II, le scandale des quotas dans le football français et la Porsche servant de taxi à Dominique Strauss-Kahn. Ce qui ne l'était pas, à l'inverse ? L'interview de Carla Bruni-Sarkozy dans le Parisien, passée inaperçue.
Mais parfois, et c'est une pierre dans le jardin des journalistes, certaines informations de première importance, pour la démocratie, pour le débat citoyen, ne retiennent pas l'attention des médias et, par ricochet, celle du grand public.
Un exemple. Chacun se souvient de l'affaire Bettencourt. La juge Isabelle Prévost-Desprez en avait été dessaisie parce que le procureur de la république de Nanterre, Philippe Courroye, la suspectait de violation du secret professionnel. Grave suspicion. Pour démontrer la faute de la juge, Courroye avait demandé à la police de saisir les relevés téléphoniques de trois journalistes du Monde censés être en relation avec Mme Prévost-Desprez. Résultat ? La juge, par définition indépendante, avait été mise sur la touche, et les affaires Woerth-Bettencourt dépaysées à Bordeaux. Or, on vient d'apprendre, dans un arrêt de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, que le procureur Courroye était dans l'illégalité, qu'en réclamant ces relevés téléphoniques il a contrevenu au code de procédure pénale, à la Convention européenne des droits de l'homme, à la loi sur la liberté de la presse et au principe du secret des sources des journalistes ! En raison de cette procédure, illégale, donc, l'intégrité d'une juge a été mise en cause et le scandale politique Woerth-Bettencourt enterré, pour un temps au moins.
Or, aucun média, à l'exception du journal le Monde, n'a dénoncé ce scandale dans le scandale. Personne ne s'est interrogé pour savoir si le célèbre procureur Courroye, qui n'a cessé de clamer qu'il accomplissait son travail « en toute indépendance », n'était pas en réalité en service politique commandé. Pourquoi ?
Laurent Neumann
source : Marianne - 14/05/2011
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