mercredi 24 novembre 2010

Affaire à suivre 
par Emmanuel Lévy

Banques – L’argent du Livret A déclenche la guerre de noisettes

Pour maintenir leur taux de profit, les banques commerciales lorgnent les milliards épargnés par les Français dans les soixante millions de Livret A et Livrets de développement durables (LDD). Fin 2009, les banques conservaient près de 85,6 milliards d'euros des 220 milliards que représentent ces produits d'épargne. Le reste, centralisé à la Caisse des dépôts (CDC), sert à financer le logement social. Après François Pérol, (BPCE), Baudouin Prot (BNP Paribas) et Frédéric Oudéa (Société générale) ont engagé le bras de fer avec la CDC pour récupérer une partie de ces sommes. En jeu : 25 milliards d'euros. Bercy s'apprête en effet à fixer par décret « le taux de centralisation » qui sert à partager la galette entre la CDC et les banques. Il est aujourd'hui de 68 % (pour la CDC) et les banques aimeraient le réduire à 50 %. « Les banques font ce qu'elles veulent du pognon », s'énerve Jean-Pierre Balligand, député PS, membre de la commission de surveillance de la CDC.

Nulle part, dans leur bilan, les banques n'indiquent l'usage qu'elles font de cette ressource très bon marché. En réponse à la crise, les nouvelles normes prudentielles, dites de « Baie III », obligent les banques à mettre davantage d'argent face à leurs engagements. « Que les banques aient des problèmes avec les normes Bêle III, c'est une évidence. Mais la seule solution ne peut être l'augmentation de leur part dans les Livret A », assure Michel Bouvard, député UMP lui aussi  au conseil de surveillance de la CDC. Pour respecter leurs engagements, deux choix s'offrent aux banques : trouver de nouveaux dépôts comme ceux du Livret A, ou augmenter leurs fonds propres. Problème, cette dernière solution réduit le rendement des actionnaires. Lequel se porte à merveille, comme si la crise n'avait jamais eu lieu. BNP Paribas a publié un résultat de 11 milliards d'euros en rythme annuel, soit un rendement des fonds propres de 13,5 % ! Pas question d'égratigner ce résultat, quitte à mettre en danger le financement du logement social.


in Marianne n° 709 du 20 au 26 novembre 2010 ~ www.marianne2.fr

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