Portugal : le gouvernement veut renforcer l'austérité -- des mesures qui ne passent pas
Un mois jour pour jour après les imposantes manifestations du
15 septembre, qui l'avaient contraint à renoncer à augmenter de 7 % les
charges sociales des salariés, le gouvernement portugais est
reparti à l'attaque le 15 octobre, présentant pour 2013 un budget de
guerre contre le monde du travail.
La mesure la plus visible est cette fois l'augmentation de l'impôt
sur le revenu. Son taux moyen va passer, selon le ministre des Finances,
de 9,8 % en 2012 à 13,2 % en 2013, par la réduction de
huit à cinq tranches d'imposition, une augmentation des taux, une très
forte baisse du plafond de chaque tranche et une surtaxe de 4 % retenue
chaque mois à la source. L'impôt sur les carburants va
lui aussi fortement augmenter et le crédit d'impôt pour les emprunts
immobiliers va baisser de moitié.
En même temps, l'État va réduire ses dépenses : diminution de 5 % des
allocations chômage, de 6 % des allocations maladie ; contrôle sévère
des dépenses de médicaments et d'examens dans les
hôpitaux ; réduction de 2 % du nombre de fonctionnaires et, pour eux,
passage anticipé à 65 ans de l'âge de la retraite, qui aurait déjà dû
atteindre 64 ans l'an prochain ; baisse des retraites
au-dessus de 1 350 euros, de 3,5 % d'abord, puis de 16 % à partir de 1
800 euros ; réduction des fonds accordés aux régions autonomes des
Açores et de Madère.
Les entreprises d'État vont devoir réduire leur personnel de 3 %, et
même de 20 % dans les transports, économiser 50 % des primes de
déplacement et de logement du personnel. Les compagnies
aériennes TAP et ANA seront privatisées dès le début de 2013, la Poste
dans le courant de l'année. Les aides versées par l'État à la RTP
(radio-télévision) et à l'agence de presse Lusa diminueront de
45 %.
En revanche il y aura quelques petits cadeaux aux patrons, comme le
passage de 50 à 25 % de la prime pour travail un jour férié, des aides
aux petites et moyennes entreprises, une baisse des
charges pour l'embauche d'un chômeur de plus de 45 ans. Et, pour couronner le tout, une dernière
ignominie : 6 % de cotisations sociales seront prélevés sur les maigres
allocations chômage.
Le gouvernement de centre-droit dirigé par Pedro Passos Coelho
prétend, sans rire, que ces mesures vont « renforcer les conditions
nécessaires pour la croissance de l'économie portugaise ». Tout le
monde sait pourtant bien qu'elles vont aggraver la récession, alors que
le produit intérieur brut du pays a reculé de 3 % cette année et que le
chômage atteint les 16 %.
Plus sérieusement, le ministre des Finances dit que, pour satisfaire
aux demandes de la Troïka (Union européenne, Banque centrale européenne
et Fonds monétaire international) et obtenir la suite
des 78 milliards de prêts promis, il faut en passer par là : « Cette
proposition est la seule possible, nous n'avons aucune marge de
manœuvre. Remettre en cause le budget, c'est remettre en cause
l'aide. »
Ce budget a fait l'unanimité contre lui. Dans l'opposition, le PC y
voit un massacre, le PS une « bombe atomique fiscale », la CGTP « un
attentat à la dignité du peuple ». Au sein du gouvernement,
le Parti populaire menace de voter contre. Le président, de droite,
exprime son inquiétude et le patronat est réticent.
Dans la population, où selon les sondages 70 % des gens sont contre
la politique du gouvernement, l'indignation s'est manifestée dès le
15 octobre au soir par un rassemblement au pied de
l'Assemblée nationale. Samedi 13 encore, des manifestations contre
l'austérité se déroulaient à Lisbonne et dans d'autres grandes villes,
et les grèves ont été nombreuses les dernières semaines. Les
appels de la CGTP à manifester le 31 octobre, jour du vote du budget, et
à une grève générale le 14 novembre, tombent à point nommé. Ce budget
est inacceptable et les classes populaires n'ont pas
d'autre choix que de le refuser.
Vincent GELAS
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