Mort cérébrale

Mort cérébrale

par Vincent Degelcke

 

Aujourd’hui, ma demande d'euthanasie a été acceptée. J’en avais pris la décision quelques mois auparavant. On va me déconnecter.

 

Tous les appareils seront débranchés, les uns après les autres. Le sérum ne coulera plus dans mes veines comme il le faisait depuis le jour où mes yeux s’étaient fermés.

 

Mon activité cérébrale, seule rescapée dans un corps désert, ne doit sa vie qu’à ce liquide aussi clair que l’eau. Il maintenait mes fonctions vitales.

 

Mon pouls est stable. Mes yeux sourcillent parfois. Parfois mon rythme cardiaque s’accélère. Un rêve...du futur...du passé ?

 

Qui le saura, si moi-même je n’en ai pas conscience.

 

Allongé pendant des années, qui se sont étalées en silence.

 

Quelques spasmes de mes bras, à peine des soubresauts. Mis à part ces quelques réflexes nerveux, plus aucun son n'est sorti de ma bouche.

 

On pouvait entendre, si on s'approchait de mon lit, de faibles sifflements dans le masque.

 

Dans cette salle où je vis enfermé à l’intérieur avec moi-même, seuls les bips des machines de contrôle, le mouvement mécanique de la pompe à oxygène rompent le silence.

 

Des écrans rendent compte de mes fonctions vitales : des sinusoïdes, des chiffres mis à jour en temps réel, ma pression sanguine, les battements de mon cœur. La technologie hospitalière s’assure que je suis en vie.

Aujourd’hui, après 4 longues années, je vais sortir de cette salle. Je m’en vais et vous salue bien bas. Je termine ma cure de vous. Enfin, je pars. Enfin je vais vivre, revivre...

 

Loin, loin...Je vais courir dans les champs. Prisonnière de ce corps, ma matière grise va enfin lever l’ancre. Elle s’en ira par les champs, les bois, à travers les océans, par delà les nuages, sourira au soleil tel Icare.

 

Mon acte se termine, le rideau se baisse. Je ne vous manquerais pas, je n’étais déjà plus présent parmi nous.

 

J’ai enfin pu me délivrer de la toile, que j’avais tissée autour de moi. Je me libère de mon addiction aux drogues informatisées, informationnelles. Ces flux que je m’injectais sans cesse pour apaiser ma soif sont devenus, au fil des jours, un venin perfide et incolore. Je m’y suis perdu, abandonné jusqu'à l'excès, et j’ai fini par y laisser ma vie.

 

JE FERME LA SESSION.

 

BON VENT !

 

FIN !

 

UserID : VD1976

Mort cérébrale constatée le 17/03/2011 à 14:02.

http://kainu-concept.over-blog.com/article-mort-cerebrale-69542562.html

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