Passée quasi inaperçue, une proposition de loi projette de liquider la loi de 1881 sur la presse, en allongeant le délai de diffamation sur Internet. Pire encore: le 4 novembre dernier, les sénateurs ont fait le distingo entre les sites issus de médias traditionnels «régulièrement déclarés ou autorisés», et les autres. Les premiers, jugés prudents par la Garde des sceaux, resteraient soumis au régime actuel. Les autres, dont Mediapart comme n'importe quel blog, passeraient sous le nouveau régime, autrement plus strict.
envoyé par Mediapart. - L'info internationale vidéo.
02 Mars 2011 Par Vincent Truffy
Ce n'est pas la fin des pseudos sur le Net: il y aura encore des «jeaneudes59» et des «meufbonnestrasbourg» sur les forums. Mais depuis la parution, mardi 1er mars, du «décret relatif à la conservation et à la communication des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne», il n'y a plus de strict anonymat en ligne légal en France.
Les prestataires techniques, c'est-à-dire les fournisseurs d'accès (type Free, Orange, etc.), les responsables informatiques des entreprises (si la connexion se fait dans ce cadre) et bien sûr les éditeurs de service en ligne doivent désormais fournir à la justice ou à l'administration (l'AFP cite «la police, la gendarmerie, la répression des fraudes, la douane, le fisc ou encore l'Urssaf») les données personnelles et traces de leurs clients, employés, utilisateurs à partir du moment où ils publient ou modifient quoi que ce soit en ligne article ou commentaire, texte, image, son ou vidéo, qu'ils en soient ou non les auteurs. Dans tous les cas pour la justice,«lorsqu'il est porté atteinte ou qu'il existe un risque sérieux et grave d'atteinte au maintien de l'ordre et de la sécurité publics, à la protection des mineurs, à la protection de la santé publique, à la préservation des intérêts de la défense nationale ou à la protection des personnes physiques qui sont des consommateurs ou des investisseurs» pour l'administration.
Ils devront être capable de fournir l'adresse IP, l'identifiant du terminal (ordinateur, smartphone, etc.) utilisé, les dates et heure de début et de fin de la connexion, l'identifiant actuel et au moment de la création du compte, le mot de passe, les pseudonymes utilisés, les noms et prénoms, les adresses postale et électronique, les numéros de téléphone, les moyens de paiement, montants et moments des transactions.
Le tout devant être conservé pendant un an (vieille lune de ce gouvernement qui a déjà tenté de porter le délai prescription de la diffamation sur le Net de trois mois dans le monde réel à un an sur le Net, voir ci-dessus, l'éditorial de Mediapart en... novembre 2008).
Cette disposition était prévue par la loi sur la confiance dans l'économie numérique de 2004, comme contrepartie de l'irresponsabilité juridique des prestataires techniques tant qu'ils «n'avaient pas effectivement connaissance du caractère illicite [des contenus publiés] ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible». Jusque-là, l'utilisateur seul est responsable de ce qu'il met en ligne, mais sans ce décrêt d'application l'anonymat de fait (c'est-à-dire l'identification réduite à une adresse électronique jetable) permettait une impunité raisonnable.
Il faut rappeler aussi, ce qui n'est pas neuf, que le fait d'alerter les prestataires techniques en présentant «un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d'en obtenir le retrait ou d'en faire cesser la diffusion, alors qu'elle sait cette information inexacte, est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende». Mieux vaut dès lors être sûr de son fait.
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