Bouchez-vous le nez et dites : "Vous nous barbez !". Car il se passe apparemment un drôle de manège au royaume d'El Jazira. Les stratèges politiques s'adressent aux stratèges politiques, les éditorialistes aux éditorialistes, un mécanisme qui tourne à fond pour vendre les révélations du printemps tunisien: Tous bon teints et croyants. Les laïcs à la porte. "La ségrégation ne s'est pas faîte sur des critères politiques : islamistes contre gauchistes, mais sur des notions morales vagues : croyants contre païens".
Aucune comparaison n'est trop stupide, aucun geste trop démagogique lorsqu'il s'agit de faire croire qu'on tient enfin les "fédérateurs" d'une opposition en charpie et qu'ils n'ont pas leur pareil ! "Telle la forêt de Birman dans Macbeth, nous inflige-t-on, l'opposition véritable s'est mise en marche. Les grincheux n'y changeront rien." Et il importe peu que les leaders de cette opposition new look soit des anciens collaborateurs de Ben Ali, du temps où ce dernier triomphait sur tous les fronts.
Peu importe qu'ils aient voulu voir dans le "benalisme" l'ultime rempart contre la gabegie. Un tel choix politique ne pouvait justifier leur dévouement à Ben Ali. Pour qu'il compose de la sorte, il faut qu'ils se soient eux-mêmes laissés persuader qu'il n'y a rien d'autre à faire sauf à composer. Tel est le rôle des propagandistes. Et Slaheddine Jourchi en est le maître. Comme l'a justement noté Sihem Bensedrine, "une classe sociale tout entière était plus ou moins imprégnée de l'état d'esprit qu'elle se reconnaissait dans le régime de Ben Ali. Telle est bien la raison pour laquelle il y a eu abdication généralisée. Toute une culture de contre-pouvoir fut emportée par l'avènement du 7 novembre, au point que quantité d'universitaires, de défenseurs des droits de l'homme, d'opposants en général fournirent à Ben Ali une vibrante cohorte de thuriféraires".
On se croirait au cinéma d'auteur sur El Jazira: tout le monde est vaillant, tout le monde est opposant. Pas de têtes d'affiche, mais tous champions : que tu aies joué les prolongations ou sué toute la partie, tu seras sur le podium le jour de la remise des médailles - même si tu es resté sur le banc. Des partis fantoches, des leaders fantoches et un homme orchestre fantoche, le correspondant d'El Jazira, Lotfi Hajji.
Dans les années de braise, le benalisme était un serpent à double tête : la propagande et le flingue. Une minorité de va-nu-pieds, un quart de siècle durant, ont déclenché une offensive générale pour aplatir la propagande. Ces " têtes brûlées" ont manié, comme personne, l'arme des mots. Des stratèges des médias. La victoire a été totale sur ce front.
Aujourd'hui, toiser et narguer Ben Ali, c'est canarder un moribond. La belle affaire ! Les enfoirés ont nettoyé la ville et c'est le dessus du panier qui tient le haut du pavé, le jour du défilé... On découvre leurs hauts faits d'armes, leurs lettres de noblesse... Qu'ils nous les montrent pour qu'on se torche le cul avec !
Cependant, l'événement ne réside pas dans les mots qui dénoncent la nature du régime de Ben Ali, mais dans les noms affichés par El Jazira (tout n'a-t-il pas été déjà dit sur le gouvernement policier, les usines de torture, l'obligation de silence, le délabrement de la justice, l'accaparement de l'espace public, la criminalisation de l'Etat...?) Que le Tout-Tunis respectable, instruit - qui s'est effondré dans l'attentisme à moins qu'il n'ait sombré dans la collaboration - découvre après vingt trois ans que le "benalisme" n'était nullement porteur du "changement" promis, voilà l'événement! " Ben Ali est dechu... On attend, pour clore le dossier, la pétition de sa femme avec toutes celles qui subissent des violences conjugales" , pronostique Oum Zied, une langue pendue.
A partir du moment où Ben Ali a foutu le camp en Arabie Saoudite, la question de l'alternance est devenue une question incontournable, publique. Branle-bas du côté des écuries de l'opposition étriquée, qui a senti que l'enjeu est une course ouverte pour accéder au pouvoir. En cours de route, après que Hamma Hammami est sorti publiquement de sa réserve, Néjib Chebbi , Moncef Marzouki et Rached Gannouchi, ont appelé à la formation d'un "front patriotique et démocratique". Simultanément, une multitude de formation existante seulement sur l'écran d'El Jazirza, lance un appel pour que "le peuple tunisien recouvre sa souveraineté, exerce son droit à gérer ses affaires et choisit ses représentants et ses gouvernants en toute liberté".
En ne se prononçant qu'après coup et en laissant à El Jazira l'opportunité de cibler le terrain sur lequel vont s'affronter les Tunisiens, ces derniers n'ont-ils pas raté le coche ? Les jeux sont faits, rien ne va plus ? Ceux qui sont les plus à l'écoute de la rue conservent toujours leur mot à dire.
Taoufik Ben Brik
*
Aucune comparaison n'est trop stupide, aucun geste trop démagogique lorsqu'il s'agit de faire croire qu'on tient enfin les "fédérateurs" d'une opposition en charpie et qu'ils n'ont pas leur pareil ! "Telle la forêt de Birman dans Macbeth, nous inflige-t-on, l'opposition véritable s'est mise en marche. Les grincheux n'y changeront rien." Et il importe peu que les leaders de cette opposition new look soit des anciens collaborateurs de Ben Ali, du temps où ce dernier triomphait sur tous les fronts.
Peu importe qu'ils aient voulu voir dans le "benalisme" l'ultime rempart contre la gabegie. Un tel choix politique ne pouvait justifier leur dévouement à Ben Ali. Pour qu'il compose de la sorte, il faut qu'ils se soient eux-mêmes laissés persuader qu'il n'y a rien d'autre à faire sauf à composer. Tel est le rôle des propagandistes. Et Slaheddine Jourchi en est le maître. Comme l'a justement noté Sihem Bensedrine, "une classe sociale tout entière était plus ou moins imprégnée de l'état d'esprit qu'elle se reconnaissait dans le régime de Ben Ali. Telle est bien la raison pour laquelle il y a eu abdication généralisée. Toute une culture de contre-pouvoir fut emportée par l'avènement du 7 novembre, au point que quantité d'universitaires, de défenseurs des droits de l'homme, d'opposants en général fournirent à Ben Ali une vibrante cohorte de thuriféraires".
On se croirait au cinéma d'auteur sur El Jazira: tout le monde est vaillant, tout le monde est opposant. Pas de têtes d'affiche, mais tous champions : que tu aies joué les prolongations ou sué toute la partie, tu seras sur le podium le jour de la remise des médailles - même si tu es resté sur le banc. Des partis fantoches, des leaders fantoches et un homme orchestre fantoche, le correspondant d'El Jazira, Lotfi Hajji.
Dans les années de braise, le benalisme était un serpent à double tête : la propagande et le flingue. Une minorité de va-nu-pieds, un quart de siècle durant, ont déclenché une offensive générale pour aplatir la propagande. Ces " têtes brûlées" ont manié, comme personne, l'arme des mots. Des stratèges des médias. La victoire a été totale sur ce front.
Aujourd'hui, toiser et narguer Ben Ali, c'est canarder un moribond. La belle affaire ! Les enfoirés ont nettoyé la ville et c'est le dessus du panier qui tient le haut du pavé, le jour du défilé... On découvre leurs hauts faits d'armes, leurs lettres de noblesse... Qu'ils nous les montrent pour qu'on se torche le cul avec !
Cependant, l'événement ne réside pas dans les mots qui dénoncent la nature du régime de Ben Ali, mais dans les noms affichés par El Jazira (tout n'a-t-il pas été déjà dit sur le gouvernement policier, les usines de torture, l'obligation de silence, le délabrement de la justice, l'accaparement de l'espace public, la criminalisation de l'Etat...?) Que le Tout-Tunis respectable, instruit - qui s'est effondré dans l'attentisme à moins qu'il n'ait sombré dans la collaboration - découvre après vingt trois ans que le "benalisme" n'était nullement porteur du "changement" promis, voilà l'événement! " Ben Ali est dechu... On attend, pour clore le dossier, la pétition de sa femme avec toutes celles qui subissent des violences conjugales" , pronostique Oum Zied, une langue pendue.
A partir du moment où Ben Ali a foutu le camp en Arabie Saoudite, la question de l'alternance est devenue une question incontournable, publique. Branle-bas du côté des écuries de l'opposition étriquée, qui a senti que l'enjeu est une course ouverte pour accéder au pouvoir. En cours de route, après que Hamma Hammami est sorti publiquement de sa réserve, Néjib Chebbi , Moncef Marzouki et Rached Gannouchi, ont appelé à la formation d'un "front patriotique et démocratique". Simultanément, une multitude de formation existante seulement sur l'écran d'El Jazirza, lance un appel pour que "le peuple tunisien recouvre sa souveraineté, exerce son droit à gérer ses affaires et choisit ses représentants et ses gouvernants en toute liberté".
En ne se prononçant qu'après coup et en laissant à El Jazira l'opportunité de cibler le terrain sur lequel vont s'affronter les Tunisiens, ces derniers n'ont-ils pas raté le coche ? Les jeux sont faits, rien ne va plus ? Ceux qui sont les plus à l'écoute de la rue conservent toujours leur mot à dire.
Taoufik Ben Brik
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